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Saturday, April 01, 2006

Un homme comme moi, qui ne travaille pas, qui ne veut pas travailler, sera toujours détesté. J’étais dans cette maison d’ouvrier, le fou, qu’au fond, tous auraient voulu être. J’étais celui qui se privait de viande, de cinéma, de laine, pour être libre. J’étais celui qui, sans le vouloir, rappelait chaque jour aux gens leur condition misérable. On ne m’a pas pardonné d’être libre et de ne point redouter la misère.
Emmanuel Bove.


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Mes battements cardiaques frappaient comme des plaintes mon thorax. Il me fallait poser un acte de souveraineté. Eloigner l’impuissance. Cela me semblait déjà trop tard. Je savais intimement que l’on ne bafoue pas toute une jeunesse à attendre impunément. A attendre de trouver la force morale d’agir et d’être. L’élan vital s’était brisé. Quelque part dans la cour, des enfants parlaient et s’amusaient fort. Ils jouaient à de micro apocalypses, parfois au papa et à la maman. On allait leur apprendre à coopérer, à manger des légumes à contre cœur et surtout, surtout, à ne plus jouer. Moi aussi j’avais appris. A tout sacrifier. Les voyages en Norvège, à Venise ou Rabat n’y avaient rien changé. Le système ne voulait pas des joueurs stériles mais des éléments productifs et adaptés.
Si possible interchangeables. Même pas fonctionnel pour le seconder dans ses basses œuvres, j’ai compris un soir de printemps sur la ligne du rer A que j’étais déjà mort. En quittant mon strapontin, soudain, les teintes jaune verdâtre des wagons, les regards de clones usagers, en somme toute l’ambiance comateuse du transport collectif m’a saisi le sang. Une ambiance de simulation de vie.